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Article 750-1 CPC ou la tentative de médiation mode d'emploi


Par Marie-Laure VANLERBERGHE

Médiatrice de Justice, membre de DACCORD

fondatrice de minutemediation.fr, plateforme de médiation en ligne certifiée CERTILIS

 

Le décret 2023-357 du 11 mai 2023 rétablit l’article 750-1 CPC.

La décision du Conseil d’État, [1] du 22 septembre 2022 annule l’article 750-1 du CPC en son entier, au motif que les deux éléments de dispense à l’obligation de tentative préalable de conciliation sont susceptibles d’engendrer des difficultés d’application et jugeant que l’indétermination de ces deux points portait atteinte droit d’exercer un recours juridictionnel.

Cette même décision est intéressante en ce sens, que par ailleurs, qu’elle rejette de nombreux arguments critiques à l’article 750-1 CPC et ce faisant purge pour le futur des questionnements susceptibles de fragiliser son application.

La période du 22 septembre 2022 au 1er octobre 2023 n’aurait pas pour autant constitué un « time off » de l’application de la tentative amiable obligatoire préalablement à la saisine du juge.

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2023, la Cour d’appel de Nîmes déclare que « nonobstant » l’annulation de l’article 750-1 CPC, le recours à une tentative préalable de résolution amiable du litige demeure obligatoire.

La Cour d’appel de Nîmes répondait à la question du maintien de l’obligation de la tentative de médiation avant toute saisine au fond sur la base de l’application de l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016, le Conseil d’Etat n’ayant annulé les dispositions de l’article 750-1 CPC que dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019.

La réintroduction de l’article 750-1 CPC par le décret n°2023- 357 du 11 mai 2023 prend effet pour les demandes en justice introduites à compter du 1er octobre 2023.

La lecture de l’article 750-1 CPC nouveau, des textes législatifs et réglementaires, de la jurisprudence et de la longue décision très argumentée du Conseil d’Etat précitée nous permettent aujourd’hui de dresser les contours de l’application de la tentative amiable obligatoire.

Le professeur Gérard Cornu dans son dictionnaire de vocabulaire juridique définissait la notion de tentative comme « un acte …mais qui ne produit pas le résultat voulu par son auteur ».

Plus connue en droit pénal qu’en droit civil la notion « tentative » doit ici être définie et ses contours dessinés.

Qu’est-ce qu’une tentative amiable satisfaisante ?

  • Satisfaisante pour le « tiers amiable compositeur » qui doit réaliser une démarche suffisante et valable
  • Satisfaisante pour les parties au différend qui doivent correctement être informées sur le processus amiable proposé pour faire un choix libre et éclairé
  • Satisfaisante pour le magistrat qui aura à juger de la validité de fond et de forme de la tentative amiable obligatoire préalablement à la demande en justice.

I- Tour d’horizon des tentatives amiables visées à l’article 750-1 CPC.

L’article 750-1 CPC cite seulement trois modes de résolutions amiables des différends parmi l’ensemble des modes amiables existants : la conciliation, la médiation et la procédure participative.

Notons que la conciliation en tant que mode amiable obligatoire avant le procès a perdu son monopole processuel devant le tribunal judicaire. Désormais la médiation et la procédure participative viennent renforcer l’offre processuelle mise à disposition du justiciable souhaitant saisir la justice.

Les trois modes amiables retenus relèvent de dispositions spécifiques qu’il convient de respecter.

1. La tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice.

La nature de la tentative de conciliation.

La tentative de conciliation de l’article 750-1 CPC, avant toute saisine du juge, s’inscrit dans un processus conventionnel régit par les articles 1536 à 1541 CPC et ce, même si elle a un caractère pré-judicaire.

Le législateur exclut la possibilité pour les parties de demander au juge de réaliser la tentative de conciliation préalable. Le décret 2021-1322 du 11 octobre 2021 est venu stopper net la pratique des avocats qui avaient crus pouvoir contourner l’obligation de l’article 750-1 CPC, en intégrant dans leurs assignations la demande de désignation d’un conciliateur.
En effet, l’article 820 CPC précise désormais

« la demande en justice peut être formée aux fins de tentative préalable de conciliation hors les cas dans lesquels le premier alinéa de l’article 750-1 CPC s’applique ».

Le conciliateur de justice compétent.

Pour être régulière la tentative de conciliation doit satisfaire aux règles de compétence matérielle et territoriale telles que fixées par le statut des conciliateurs de justice.

Le conciliateur compètent doit être inscrit sur la liste des conciliateurs de justice de Cour d’appel du ressort de sa juridiction de rattachement [2]. En effet, le conciliateur de justice est nommé par ordonnance laquelle fixe la juridiction dans laquelle il accomplira sa mission ainsi que le tribunal judiciaire ou le cas échéant, l’une de ses chambres de proximité auprès duquel il devra déposer les constats d’accord [3].

La conciliation de justice est possible dans tous les domaines où les parties ont la libre disposition de leurs droits.

Le conciliateur est compétent pour les différends énumérés à l’article 1529 du CPC.

Il faut retenir que la conciliation est exclue en matière pénale, en matière de l’état des personnes, pour certains aspects du droit de la consommation (clauses abusives par exemple) ; et en matière administrative, le mandat dit « ad litem » né des articles 411 à 420 CPC qui permet à l’avocat de représenter son client en justice ne lui permet pas de représenter son client en conciliation de justice ni de saisir directement le conciliateur de justice en lieu et place de son client s’il s’agit d’une personne physique [4].

2. La tentative de médiation.

La nature de la tentative de médiation.

La tentative de médiation de l’article 750-1 CPC, avant toute saisine du juge, s’inscrit dans un processus conventionnel régit par les articles 1528 à 1535 CPC et ce, même si elle a un caractère pré-judicaire.

Le médiateur compétent.

Autant pour le choix du conciliateur le législateur prend soin de préciser que la tentative doit être faite « par un conciliateur de justice ».

Autant, pour le choix du médiateur, le législateur ne donne aucune précision, …ou presque…

L’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 renvoie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995…, lequel définit la médiation en exprimant une évidence, quasi tautologique voire pléonastique de laquelle il découle que la tentative de médiation est faite par un médiateur.

Pour donner au justiciable la garantie d’avoir à faire à un médiateur compétent, il convient d’inviter le justiciable à solliciter un médiateur inscrit sur la liste des médiateurs d’une Cour d’appel, lequel, pour y être, doit satisfaire aux critères exigeants édictés par le décret du 2017-1457 du 9 octobre 2017 modifié.

L’article 1530 CPC précise que le médiateur est un tiers qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence, diligence …et depuis la loi du 21 décembre 2021 dans la confiance dans l’institution de la justice en son article 45 avec indépendance.

D’aucuns se demandent pourquoi le législateur a, en décembre 2021, souhaité ajouter cette précision ou corriger un oubli aux qualités du médiateur conventionnel, alors qu’elle existait déjà pour le médiateur judiciaire au 5ement de l’article 131-5 du CPC.

La corrélation entre la mise en œuvre de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC et la nécessité de confier la tentative de médiation conventionnelle aux seuls médiateurs indépendants pour éviter tout conflit d’intérêt est évidente.

Ainsi, le médiateur dit « institutionnel » souvent liés par un lien de subordination avec l’organisation qui l’emploie et le médiateur de la consommation sont, d’office, exclus de la formalité de la tentative de médiation préalable de l’article 750-1 du CPC.

Autrement dit, le conseil de la partie la plus diligente (même si elle est qualifiée médiateur) ne peut pas délivrer lui-même la tentative de médiation sans s’exposer à une situation de conflits d’intérêts ; Les avocats, les commissaires de justice, les agents de recouvrement défendant les intérêts de manière habituelle d’un client ne peuvent pas réaliser leurs tentatives amiables.

Le justiciable, prendra soin de choisir un médiateur indépendant, lequel n’est pas, à la différence du conciliateur de justice restreint à une compétence locale mais exerce ses missions sur tout le territoire national, voire à l’international.

3. La tentative de procédure participative.

La nature de la tentative de procédure participative.

La procédure participative conventionnelle est régie par les articles 1544 à 1546 CPC.

L’avocat compétent pour diligenter une procédure participative.

La tentative de procédure participative doit être diligentée par un avocat, lequel proposera le processus à l’avocat de la partie adverse.
La procédure participative suppose que chacune des parties est assistée de son avocat.

Conclusion : la tentative amiable de l’article 750-1 CPC réalisée par une personne n’en ayant pas la compétence entache la validité de la démarche amiable et de l’action en justice qui peut en découler.

II- La mise en œuvre de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC.

Partons de l’énoncé de l’article 750-1 CPC.

1. « … Est précédée… ».

Le Conseil d’Etat dans sa décision du 22 septembre 2022 confirme que le premier alinéa de l’article 750-1 CPC est « clair et suffisamment précis », et pourtant, la rédaction nouvelle reformule l’obligation en remplaçant les termes « doit être précédée… » par les termes « est précédée ».

D’un point de vue linguistique, la reformulation fait entrer la tentative dans un réel présent.

Passer du « doit être » à « être » c’est comme passer de l’incertitude à la certitude.

D’un point de vue procédural cela signifie que la formalité n’est pas optionnelle. La tentative doit être faite avant de signifier l’assignation ou avant de déposer la requête.

Une tentative amiable réalisée entre la date de signification de l’acte introductif d’instance et la date d’audience ou après le dépôt de la requête n’est pas régulière.

Son caractère préalable à la demande en justice suppose qu’elle ne peut pas être trop éloignée de la date de saisine du juge. Le juge doit pouvoir faire une lecture linéaire, continue et cohérente de l’articulation des démarches réalisées par le demandeur auprès du défendeur.

2. « …Au choix des parties… ».

Il faut préciser ici, qu’en aucun cas le texte installe une quelconque hiérarchie ou une préférence quant au choix du mode amiable.

L’article 750-1 CPC donne aux parties la prérogative du choix du mode amiable de résolution de leur litige.

L’expression « au choix des parties » au pluriel signifie-t-elle que les deux parties doivent être d’accord sur le mode amiable qui sera proposé par la partie la plus diligente ? La partie adverse pourrait-elle refuser le mode amiable proposé ?

Dans la pratique, la partie la plus diligente est celle qui souffre des agissements ou de l’inertie de l’autre partie. C’est celle dont la revendication d’un droit et l’exercice de l’action sont enserrés dans des délais souvent courts au risque de forclusion ou de prescription.

La tentative amiable n’étant pas suspensive des délais de prescriptions, il parait important de laisser à celui qui prend l’initiative de la démarche, le choix du mode amiable.

Aussi, la partie destinataire de la tentative amiable ne peut pas valablement critiquer la validité de la formalité au motif qu’elle aurait préféré une autre MARD.

3. « …D’une tentative de … ».

Le texte est silencieux sur la forme et le contenu de la tentative amiable.
Les juges déjà font jurisprudence.

Dans un arrêt du 24 août 2022 la Cour d’appel de Lyon [5] expose que « si des courriers ont pu être échangés par les parties, cette communication ne constitue pas un mode de règlement amiable des litiges obligatoires prévus limitativement par les dispositions de l’article 750-1 du Code de procédure civile ».

En l’espèce, il s’agissait de l’envoi de lettres et d’une mise en demeure.

Par ailleurs, certaines pratiques similaires peuvent aider à élaborer la forme et le contenu de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC.

  • La TMFPO instaurée par l’article 7 de la loi du 18 novembre 2016 consiste d’une part en la convocation des parties à une réunion et d’autre part à la tenue de la réunion d’information sur le processus de médiation comme mode amiable de résolution des différends.
  • L’article 1537 CPC relatif à la tentative de conciliation conventionnelle consiste en une « invitation » des « intéressés » à se rendre devant le conciliateur. En matière de conciliation judiciaire de l’article 129-3 CPC, la terminologie employée est la « convocation ».
  • La procédure nouvelle d’injonction à rencontrer un médiateur de l’article 127-1 CPC est une formalité dont le contenu doit être explicite et complet sur l’objet et le déroulement de la médiation.

La nouvelle rédaction de l’article 750-1 CPC apporte une précision sur la forme de la tentative de conciliation : « …l’organisation de la première réunion de conciliation… ».

Ici le texte parle d’organisation de la première réunion de conciliation.

La rédaction des textes donnent des éléments sur la forme de la tentative amiable.
L’article 54 CPC dispose :

« A peine de nullité, la demande initiale mentionne : … 5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative ».

La simple mention des « diligences entreprises » n’est pas suffisante au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, laquelle précise que « le juge doit pouvoir vérifier la réalité de la formalité ».

Le demandeur devra prouver la bonne réalisation de la formalité.

Il apparait en conséquence, indispensable de matérialiser la tentative amiable par un « instrumentum » qui constituera la preuve écrite parfaite.

Au regard de ce qui précède, le contenu de « l’instrumentum » adressé par le conciliateur, le médiateur ou l’avocat à la partie opposée doit être suffisamment informatif sur l’objet et le déroulement du processus envisagé pour que son destinataire puisse répondre de manière libre et éclairé à demande qui lui est faite.

4. Quel est le délai de réponse accordé au destinataire de la tentative amiable ?

Le texte est silencieux.

Au regard de la pratique et des textes de procédure civile, cela implique un délai dit « raisonnable » afin qu’il ne soit pas contesté par les parties et les juridictions, donc à minima 15 jours.

Le destinataire devra être informé que son silence dans le délai requis dans la demande constituerait un refus implicite.

Attention, le simple fait de saisir « un tiers amiable compositeur » compétent pour réaliser la tentative amiable ne constitue pas une tentative satisfaisante.
Le « tiers amiable compositeur » [6] saisi, doit quant à lui faire preuve de diligence et la partie demanderesse ne doit pas rester « attentiste ». Il doit, en respect des règles éthiques et déontologiques attachée à sa fonction faire savoir sans délai s’il accepte la mission demandée ou s’il la refuse soit en raison de son incompétence, soit en raison de son indisponibilité et renvoyer le justiciable vers un autre de son choix.

5. La réponse des parties à la tentative amiable.

L’un des principes fondamentaux des modes amiables de règlement des différends est l’acceptation libre des parties à s’engager dans un processus de règlement amiable.
La tentative amiable est un acte qui consiste à demander à l’autre partie si elle accepterait de régler à l’amiable leur différend, dans le respect des règles du mode amiable proposée.

Le demandeur de la tentative doit-il préalablement avoir accepté d’entrer dans le processus de règlement amiable ? Ce dernier peut-il refuser d’entamer le processus après avoir réalisé la formalité auprès de l’autre partie ?

Les règles déontologiques des modes amiables édictent que chacun est libre d’accepter ou de refuser le processus de règlement amiable du différend.

La directive européenne du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale ne s’oppose pas à l’application d’une législation nationale imposant la médiation obligatoire, dès lors que le préalable imposé de processus de médiation n’aboutit pas à une décision contraignante pour les parties, n’entraîne pas de retard substantiel pour saisir un juge, qu’il suspend la prescription des droits concernés et ne génère pas de frais importants.

Dans le même sens, la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans son arrêt Momcilovic contre Croatie, rendu le 26 mars 2015 juge que « l’obligation du préalable de médiation ou conciliation à peine d’irrecevabilité de la demande ne constituait pas une entrave disproportionnée à l’accès au juge, dans la mesure où la partie conserve le droit de refuser l’accord et de saisir le tribunal, et où le but poursuivi par le législateur est d’améliorer le fonctionnement de la justice et de proposer une solution conforme aux intérêts et aux besoins des personnes ».

De même, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé le 14 juin 2016, que le droit de l’Union ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, dans les litiges impliquant des consommateurs, qu’une médiation obligatoire soit menée avant tout recours juridictionnel.

Ainsi, si la tentative amiable est obligatoire, l’acceptation d’entrer en médiation, en conciliation ou en procédure participative ne peut pas être imposée aux parties.

Si la tentative amiable de l’article 750-1 CPC est une démarche amiable, elle est aussi une formalité obligatoire.

C’est pourquoi si le destinataire de la demande venait à accepter le processus de règlement amiable du différend, le « tiers amiable compositeur » saisi doit revenir vers le demandeur pour recueillir également son accord à la mise en œuvre du processus amiable proposé.

En cas de refus du destinataire ou du demandeur, une attestation d’échec ou de refus de la tentative amiable est rédigée et transmise aux parties.

III- Les actions et les litiges soumis à la tentative amiable de l’article 750-1 CPC.

1. Les actions soumises à la tentative amiable obligatoire.

L’article 750-1 CPC situé dans le livre 2 titre 1 du CPC relatif aux dispositions particulières au Tribunal Judiciaire ne concerne que les actions en justice menées devant le Tribunal Judiciaire.

La tentative amiable n’est donc pas obligatoire préalablement à la saisine d’une autre juridiction comme le Tribunal de commerce, le Conseil de prud’homme.

Plus précisément, la tentative amiable s’adresse à toutes les procédures et notamment aux procédures écrites et orales devant le tribunal judiciaire.

Les demandes en justice concernées sont :

  • Toutes les assignations au fond et les assignations en référé [7]
  • Les requêtes contentieuses, y compris la requête en injonction de payer déposée au Tribunal judiciaire. En effet l’article 1407 CPC renvoie à l’article 57 CPC lequel précise « …Elle (la requête) contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité : … ». Ledit article 54 CPC fait expressément référence à la tentative amiable de l’article 750-1 CPC
  • La requête en injonction de payer déposée devant le Tribunal de Commerce n’est pas soumise à cette obligation car hors champs de l’article 750-1 CPC.

2. Les litiges soumis à la tentative amiable obligatoire.

« …Lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros… ».

La tentative amiable ne concerne pas uniquement les litiges de recouvrement de créances. Son objet est plus large et touche aussi les litiges qui « tendent au paiement de somme d’argent » englobant les litiges de contestation de paiement, de remboursement d’une somme d’argent, de demande de dommages-intérêts, ….

Dans sa décision du 22 septembre 2022 le Conseil d’Etat rappelle « la détermination du montant de la demande ne pose pas de difficulté car découlant de la loi et notamment de l’application des articles 35 et suivants du CPC ».

L’énoncé est limpide mais sa mise en œuvre est plus complexe :

Si dans une même demande en justice contre un même défendeur :

  • Les prétentions sont fondées sur des faits différents et non connexes, il faut considérer la nature et la valeur de chaque prétention isolément
  • Les prétentions sont fondées sur des mêmes faits ou sont connexes, il faut considérer la nature et la valeur totale des prétentions.

Si dans une même demande en justice formée par plusieurs demandeurs contre plusieurs défendeurs en vertu d’un titre commun, il faut considérer la valeur la plus élevée de chaque prétention isolément.

Si la demande en justice sollicite une condamnation pécuniaire dont le montant est indéterminé alors la tentative amiable n’est pas une formalité préalable obligatoire. Rappelons qu’est indéterminée une demande qui n’est pas chiffrée sur le plan numéraire ou selon la jurisprudence une demande qui est par sa nature indéterminée exemple la demande en résolution d’un contrat.

Si la demande en justice est indéterminée avec une demande connexe déterminée inférieure à 5 000 euros, il convient de retenir le caractère indéterminé de la demande [8], la tentative amiable n’est pas obligatoire.

Si la demande en justice est indéterminée avec une demande non connexe déterminée inférieure à 5 000 euros la tentative amiable doit être réalisée.

Rappelons enfin que la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens n’a pas à être prise en compte pour le calcul du taux de ressort.

« …Lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire… ».

Ici aucune limite pécuniaire ne vient contrarier la réalisation de la tentative amiable.

Pour résumer, ces articles soumettent à la tentative amiable le traitement de certains conflits dits de voisinage.

Plus précisément ceux relevant anciennement de la compétence du Tribunal d’instance. On citera rapidement et encore pour résumer les différends relatifs au bornage, aux distances et hauteurs de plantations, aux constructions de l’article 674 du Code civil, curage des fossés et canaux, les servitudes.

Le justiciable devra sautiller de textes en textes à partir de l’article 750-1 du CPC qui renvoie aux articles R211-3-4 et R211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire, lesquels renvoient aux articles L152-14 à 152-23 du Code rural et de la pêche maritime et aux articles 640 et 641 du Code civil et enfin à l’ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de copropriétaires.

« ... Un trouble anormal de voisinage ».

Point de liste exhaustive des troubles anormaux de voisinage mais une notion bâtie par la jurisprudence qui se définit ainsi « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » [9]. L’existence d’un trouble excédant la gêne normalement attendue dans le cadre de relations de voisinage constitue un trouble anormal de voisinage, même en l’absence de faute. Parallèlement, l’existence d’une faute ne cause pas nécessairement un trouble anormal du voisinage.

IV- Les dispenses et l’exception l’obligation de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC.

1. Les dispenses énoncées à l’article 750-1 CPC.

L’article 750-1 CPC pose cinq dispenses à la réalisation de la tentative amiable. Si trois sont parfaitement cohérentes notamment celle liée à la demande visant l’homologation d’un accord, celle liée à l’existence d’un recours préalable imposé auprès de l’auteur de la décision et celle liée à l’existence d’une disposition particulière imposant déjà une tentative préalable de conciliation, en revanche celle figurant au 3ement relative au motif légitime est déjà très discutée.

Enfin, une 5e dispense consécutive à la réalisation en vain de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances a été tout récemment ajoutée.

L’article 54 CPC rappelle de la même manière que le demandeur doit prouver la bonne réalisation de la tentative amiable, il doit, lorsqu’il bénéficie d’une dispense apporter les justificatifs de la dérogation à la règle.

Le risque majeur de dévoiement de l’esprit et de la lettre de la tentative amiable réside dans l’interprétation des dispenses énoncées qu’en feront le demandeur et le défendeur.

La troisième dispense dans sa rédaction nouvelle, en détail.

Ce troisièmement édicte plusieurs dispenses dont LA dispense litigieuse objet de l’annulation de tout le dispositif par le Conseil d’Etat en 2022.

« … Un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste … ».

Il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur ». Le demandeur devra donc spécialement justifier l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée.

Dans l’arrêt précité du 24 août 2022 la Cour d’appel de Lyon [10] rappelle en ces termes la nécessité de justifier en cas de revendication d’une dispense : « il n’était par ailleurs justifié ni d’une urgence, ni de circonstances particulières qui permettraient de déroger à ces diligences, au sens de l’article 750-1 du Code de procédure civile ».

« … Aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative… ».

Quelles peuvent être les circonstances de l’espèce ? la situation qui ferait obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable ?

Le flou de cette notion laisse au juge le soin d’apprécier le bien-fondé de la dispense revendiquée qui doit être justifiée comme le précise l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon précité.

« … Aux circonstances de l’espèce … nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement… ».

C’est ce qui fait dire à certains que la procédure d’injonction de payer civile est dispensée de l’obligation amiable préalable.

Après lecture de l’article 17 CPC, il semble qu’il existe deux cas d’exception au principe du contradictoire :

« lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie ».

Or, l’injonction de payer appartient au premier cas d’exception au contradictoire et non au deuxième dixit l’article 57 CPC :

« la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé ».

En matière d’IP, c’est la loi qui permet de déroger au principe du contradictoire et non une prétendue nécessité liée aux circonstances de l’espèce.

En effet, quelle pourraient être les circonstances de l’espèce nécessitant qu’une ordonnance d’injonction de payer soit rendue non contradictoirement ?

L’exception au contradictoire accordée à la procédure d’injonction de payer relève de la nature de la créance, dont l’origine statutaire ou institutionnelle ou issue d’un moyen de paiement revenu impayé, ne serait pas sérieusement contestable, et non de la nécessité que la décision soit rendue non contradictoirement « à l’insu de l’autre partie » comme les ordonnances in futurum et les mesures conservatoires.

Qu’elle que soit la forme de la demande, le demandeur revendiquant la dispense devra justifier, dans sa demande, les circonstances de l’espèce rendant impossible qu’une décision soit rendue contradictoirement.

« … Soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur … ».

Chacun aura relevé le « s » au mot « conciliateurs » dans le texte.

La rédaction nouvelle relative à la dispense de la formalité en raison de l’indisponibilité de conciliateurs suppose que le justiciable doit justifier que plusieurs conciliateurs saisis sont indisponibles.

L’article 54-5° CPC dispose que le demandeur doit mentionner dans l’acte introductif d’instance « la justification de la dispense de la tentative de conciliation ».

Et l’article 750-1-3° in fine précise que

« le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ».

Le demandeur devra apporter la preuve d’avoir saisi successivement plusieurs conciliateurs, lesquels devront justifier des suites qu’ils auront données à la saisine et motiver leur indisponibilité à pouvoir réunir une première réunion avec toutes les parties dans les trois mois de leur saisine.

La cinquième dispense relative à la procédure de recouvrement des petites créances.

Cette dernière dispense issue de l’article 46 loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 est formulée comme suit à l’article 750-1 5° CPC

« Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L125-1 du Code des procédures civiles d’exécution ».

Cette procédure ne constitue par un MARD. C’est une procédure civile d’exécution régit par les articles R125-1 à R125-8 du CPCE.

La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances mise en œuvre par un commissaire de justice est circonscrite au recouvrement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire.

Le commissaire de justice compétent est celui qui officie dans le ressort de la Cour d’appel où le débiteur à son domicile ou sa résidence.

Cette procédure se déroule dans un délai d’un mois à compter de l’envoi d’une lettre par laquelle le débiteur est invité à participer à la procédure simplifiée de recouvrement.

Le débiteur est libre de refuser de participer à la procédure.

La lettre envoyée et le constat d’échec établis par le commissaire de justice répondent à des règles de forme et de fond strictes dont tout manquement entache la validité de la procédure.

Les frais de toute nature qu’occasionne la procédure sont à la charge exclusive du créancier, le tarif des commissaires de justice est réglementé.

2- L’exception énoncée à l’article 4 de la loi du 18 novembre 2016.

L’article 4 de la loi 2015-1547 du 18 novembre 2016 dispose

« Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L314-26 du Code de la consommation ».

Déjà l’article 750-1 du CPC annulé avait fait planer un doute en ne reprenant pas expressément cette exclusion. La DACS du ministère de la justice dans sa FAQ de février 2020, II, page 7 était venue supprimer tous les doutes en confirmant que l’article 4 de la loi du 23 mars 2019, toujours en vigueur, s’appliquait même si cette exception ne figurait pas dans l’article 750-1 CPC [11].

Dans sa nouvelle rédaction issue du décret 2023-357 du 11 mai 2023, l’article 750-1 CPC ne mentionne toujours pas expressément l’exclusion des litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L314-26 du Code de la consommation.

Si l’article 750-1 CPC nouveau ne précise pas l’exclusion du champ de la tentative amiable les litiges issus de l’application de l’article L314-26 du Code de la consommation, il précise néanmoins expressément que le nouvel article 750-1 CPC est pris « en application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 », lequel contient expressément l’exclusion.

Ainsi, les litiges relatifs au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire relevant de l’article L314-26 du Code de la consommation sont bien exclus de l’obligation de tentative amiable obligatoire préalablement à la saisine du juge.

Conclusion : en cas de doute sur l’éligibilité à une dispense, Il est prudent de s’abstenir de se dispenser de la tentative amiable.

V- Les sanctions au défaut de mise en œuvre de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC.

La tentative amiable préalable à la saisine du juge est obligatoire. Faute de respecter cette obligation deux sanctions sont édictées.

1. « …A peine de nullité, la demande initiale mentionne : … » de l’article 54 CPC.

L’article 54 CPC ne touche pas au droit d’action mais porte sur la validité de l’instrumentum.

S’il était admis que les irrégularités des mentions requises dans l’assignation par l’article 56 ancien CPC, étaient des nullités de forme, qu’en sera-t-il des dispositions nouvelles de l’article 54 CPC ?

Le grief constitué par cette omission serait démontrable par le tort causé en l’absence de tentative de règlement amiable du litige qui aura empêchée ou limitée dans ses possibilités de défense. Le grief serait caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Il est à supposer que l’absence de la mention dans l’acte introductif d’instance, tout en ne justifiant pas d’une dispense prévue par les textes serait en vérité le révélateur silencieux voire malicieux de la non réalisation « volontaire » des diligences pourtant « obligatoires » et non pas une simple « omission ».

Le juge déclarera nul l’acte introductif d’instance.

2. « …A peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office… », article 750-1 CPC.

L’irrecevabilité de l’action en justice édictée à l’article 750-1 CPC est une fin de non-recevoir, qui au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation certes développée en matière de défaut d’application d’une clause contractuelle de conciliation et de médiation retient ;

  • Que cette fin de non-recevoir s’impose au juge si les parties l’invoquent et peut être proposée en tout état de cause [12]
  • Que cette fin de non-recevoir n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de l’obligation en cours d’instance [13].

Les juges de la Cour suprême adopteront ils une position différente pour le défaut d’application de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC dont le caractère obligatoire est d’origine légale ? Il s’agit d’une fin de non-recevoir telle qu’énoncée par l’article 122 du CPC.

Dans la pratique, la fin de non-recevoir devra être invoquée in limine litis, avant tout débat au fond et elle devra être accueillie sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief [14].

Conclusion : Ainsi, a la suite du rejet de l’action en justice et/ou à l’annulation de la demande en justice, les parties sont en quelque sorte renvoyées à réaliser la tentative amiable omise.

Le juge ne peut en aucun cas proposer aux parties une médiation ou une conciliation quand bien même elles donneraient leur consentement, ni même les enjoindre par ordonnance à rencontrer un médiateur ou un conciliateur pour s’informer sur l’objet et le déroulement d’une médiation.

Car l’application des articles 131-1 CPC ou 127-1 CPC supposent en préalable que la saisine du juge soit régulière et recevable.

VI- Les questions connexes à la mise en œuvre de l’article 750-1 du CPC.

Aux quelques réflexions issues de la lecture de l’article 750-1 du CPC et sa mise en œuvre pratique, viennent immédiatement à l’esprit des questions connexes d’ordre pratique et toutes aussi importantes.

1. La tentative amiable de l’article 750-1 CPC suspend elle le délai de prescription ?

Selon l’article 2238 du Code civil modifié

« La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative … ».

Si la médiation, la conciliation et la procédure participative ont un effet suspensif sur la prescription, qu’en est-il de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC ?

En vertu de l’article 34 de la Constitution, les règles de prescription relèvent de la compétence législative. En conséquence ; dans le silence de la loi on doit affirmer que la tentative amiable n’a aucun effet suspensif ou interruptif sur la prescription.

En effet, l’article 750-1 CPC est silencieux et la lecture de l’article 2238 du Code civil précité ne permet pas dans sa rédaction une transposition de la règle à la tentative amiable.

En revanche, le défaut de tentative amiable en bonne et due forme à un effet sur la validité de la demande en justice.

2. Le sort de la prescription en cas de nullité ou d’irrecevabilité de la demande en justice pour défaut de tentative amiable.

Selon l’article 2241 du Code civil,

« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».

Ce texte ne distinguant pas entre le vice de forme et l’irrégularité de fond, l’assignation même affectée d’un vice de fond a un effet interruptif.

L’article 2243 du Code civil dispose :

« L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a retenu dans un arrêt du 8 octobre 2015 [15] que :

« L’article 2243 du Code civil ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, l’effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable ; L’article 2241, alinéa 2, du même code issu de la loi du 17 juin 2008 ne s’applique qu’aux deux hypothèses qu’il énumère ».

La chambre commerciale [16] s’est prononcée dans le même sens.

Pour le demandeur le manquement à l’obligation peut entraîner des conséquences irrémédiables. Le défaut de tentative amiable peut anéantir toute possibilité future d’action en justice.

3. A qui le coût de la tentative amiable de l’article 750-1 CPC est-il imputable ?

Avant toute saisine du juge les frais engagés sont à la charge du demandeur.
La tentative amiable devra être facturée au demandeur.

Le coût de la tentative de médiation payable au médiateur et de la tentative de procédure participative payable à l’avocat est libre. Non tarifé par la loi il est fixé par le professionnel avec son client.

Si la tentative est acceptée par les parties et donne lieu à une médiation ou une procédure participative, le coût de la tentative pourra faire l’objet d’une négociation dans le cadre de la résolution du différend.

Si la tentative amiable en vue du paiement d’une somme d’argent n’aboutit pas, le créancier pourra alors demander au juge de mettre à la charge du débiteur le coût avancé en vertu de l’article L111-8 CPCE alinéas 2 et 3 :

« Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire ».

Pour les frais de la tentative amiable visant un conflit de voisinage ou un trouble anormal de voisinage faisant suite à l’échec d’une tentative amiable, il conviendra de formuler la demande au juge de manière explicite conformément à l’article 700 CPC au titre des frais exposés non compris dans les dépens car le coût de la tentative n’est pas un dépens figurant dans la liste de l’article 695 CPC.

Statutairement le conciliateur agit bénévolement, il ne facture rien au justiciable.

Ainsi, la question de la concurrence « déloyale » avec la gratuité de la tentative de conciliation est dans la pratique un faux problème puisque en cas de procès la partie demanderesse peut demander au juge à être « remboursée », par la mise à la charge du débiteur des frais de formalité engagés.

Toutefois, la pratique nous montre déjà que certains juges refusent de mettre à la charge du débiteur le coût de cette formalité. On peut s’étonner du non-respect des textes précités. Cette mauvaise pratique devient clairement une incitation pour le justiciable à choisir la tentative de conciliation préalable gratuite plutôt que la tentative de médiation ou la tentative de procédure participative payantes.

Si la « discrimination dans le traitement des justiciables » du fait de la gratuité de la tentative de conciliation arguée par les requérants à l’annulation de l’article de 750-1 CPC n’a pas été retenue par les juges du Conseil d’Etat le 22 septembre 2022, il serait regrettable que les juges du judiciaire l’instaurent par des pratiques dont la motivation ne se trouve pas dans les textes.

Enfin, les parties pourront solliciter leur assurance protection juridique, au regard du caractère obligatoire et pré judiciaire de la démarche de tentative amiable de l’article 750-1 CPC.

A noter l’arrêt de la CJUE 14 mai 2020 [17] apporte un éclairage favorable à la question de la prise en charge des frais de procédure judiciaire et notamment les frais de la médiation judiciaire et extrajudiciaire. La Cour conclut que l’article 201, § 1, sous a), de la directive 2009/138 (prévue par l’article L127-1 du Code des assurances en droit interne) doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure judiciaire » visée à cette disposition inclut une procédure de médiation judiciaire ou extrajudiciaire dans laquelle une juridiction est impliquée ou susceptible de l’être, que ce soit lors de l’engagement de cette procédure ou après la clôture de celle-ci. La Cour affirme la prise en charge des frais engagés.

Conclusion : la tentative amiable de l’article 750-1 CPC est une démarche processuelle nouvelle qui reflète un changement de culture de notre société dans laquelle l’individu aspire à agir de manière autonome, plus participative et plus responsable, certes dans un cadre normé, mais un cadre flexible, souple et modulable dans la limite de tous les droits dont il dispose librement.


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